Coeurs dans la pierre (samedi, 03 mai 2014)

 

Je n'irai plus au rendez-vous de mon cœur ; il a changé d'adresse. Il est parti vivre dans une banlieue dangereuse et a mis des verrous aux portes de son jardin. Tous les cargos du monde, cargos de jour, cargos de nuit, ne pourraient plus m'emporter vers son royaume inédit. J'ai des pivoines, des chrysanthèmes, du laurier et du lierre tout autour de moi. Les chiens de mon enfance s'avancent crocs en avant, l'allure terne et calme, vers l'autre château de l'exil. Là-bas nos églises abritaient des petites mains fondues dans les grandes, là-bas nous chantions la splendeur des pâquerettes sur la colline ensevelie dans les soleils couchants. Tous les étés d'antan sont morts-nés à jamais. Le merle et la merlette rigolent encore en pataugeant dans la rigole et leurs becs attrapent des brindilles d'un autre temps. Tout cet instant qui passe et qui ne me touche pas, contient l'étrangeté d'un lendemain interdit à nos yeux déjà presque clos. Ton piano, mon aimé, je me souviens du son de tes doigts sur ses touches humbles. Ton piano me berçait à l'époque des charmes. Ton piano s'est tu, ton piano n'existe plus. La poussière ? Peut-être. Je t'attends quand même. Toi qui venais tous les soirs me raconter l'histoire d'un écureuil enfui.

 

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