Une éducation en l’an mille quelque chose (samedi, 14 novembre 2009)
Un passage émouvant du livre de l’historienne Joan Evans, La civilisation en France au Moyen Âge (1930)
« Guibert de Nogent, né en 1053, nous a laissé un petit tableau très triste de son éducation d’enfant élevé par un gouverneur particulier.
« Quand on me mit à l’étude, j’avais déjà, en vérité, commencé les rudiments, mais je pouvais à peine assembler les éléments les plus simples, lorsque ma mère aimante, préoccupée de me voir étudier, songea à me mettre à la grammaire… L’homme, à qui ma mère projetait de me confier, avait commencé à apprendre la grammaire à un âge avancé, et il était d’autant moins versé dans cet art qu’il en avait eu très peu dans sa jeunesse. Cependant il était si modeste que son honnêteté remplaçait son absence de savoir… Donc, lorsque je fus confié à ses soins, il m’enseigna avec une telle pureté et me garda avec un tel zèle… Qu’il m’empêcha complètement de prendre part aux jeux communs, ne me permettant jamais de sortir sans être accompagné, ni de manger hors de la maison, ni d’accepter aucun présent sans sa permission… Tandis que les autres enfants de mon âge allaient partout à leur guise… Pour ma part, j’étais enchaîné par des contraintes incessantes, et je restais assis dans mon petit manteau de clerc, regardant comme un animal apprivoisé les bandes d’enfants qui jouaient. Mais tandis qu’il m’importunait tant, et que ceux qui nous connaissaient pensaient que mon esprit d’enfant s’affilait à l’extrême, grâce à ces douleurs continuelles, tous les espoirs n’en furent pas moins déçus. Car il ignorait lui-même complètement l’art de la composition, en poésie comme en prose ; si bien que j’étais en butte à une grêle pénible et presque quotidienne de reproches et de coups, lorsqu’il voulait me forcer à apprendre ce qu’il ne savait pas lui-même… La nature fatiguée devrait parfois trouver un remède dans la diversité du travail. N’oublions pas que Dieu forma le monde non pas uniforme, mais avec les changements du jour et de la nuit, du printemps et de l’été, de l’automne et de l’hiver, nous ranimant ainsi par le changement des saisons ».
AlmaSoror avait déjà cité cet homme, ici.
A propos de l’éducation des enfants à cette époque, Joan Evans ajoute : « Saint Anselme est le seul que l’on entende rappeler au maître que les enfants sont des êtres humains comme lui, et qu’ils ont besoin de « miséricorde, de douceur, de pitié, de paroles joyeuses, de patience charitable, et de beaucoup de réconfort de ce genre ».
Ainsi, l’homme qui a dit « fides quaerens intellectum » était aussi un frère des enfants…
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Commentaires
C'est triste. Pourquoi faire souffrir ainsi les enfants ? Pourquoi, pourquoi ?
Écrit par : Loue | samedi, 14 novembre 2009
Edith si tu es loin je m'inquiète. Que deviens-tu au loin ? Et quand reviendras-tu ?
Les photos de ton visage avant ne remplacent pas ta présence ici et maintenant.
Tu nous manques, le sais -tu ?
Écrit par : T. | dimanche, 15 novembre 2009
Je suis au pays où le soleil se couche perpétuellement. La pluie y est multicolore. De grands oiseaux verts traversent le ciel. Mon visage a beaucoup changé : il a pris la couleur des hautes montagnes du Nord, et je vois des chèvres et des brebis qui mènent leurs bergers aux sommets où les refuges sont rares. Par delà les colonies de nuages, un chant berce le crépuscule : des mots des paysans de Savoie, d'il y a deux siècles.
"Voici venir la nuit, là bas dans la montagne,
et le soleil s'enfuit à travers la campagne,
la cloche du hameau, résonne en cadence,
le son du chalumeau nous invite à la danse"
Aux confins d'Europe, la Grèce et la Turquie se font face sans violence, la mer nettoie leurs bateaux. Il est deux heures de l'après-midi sur Mars et les latitudes se détendent. Nous nous manquons tous pour l'instant, mais viendra le jour de la Rencontre éternelle. Alors les mains d'Osiris et les paroles du Rédempteur s'uniront pour honorer la soeur-mère aux deux visages : Isis-et-Marie.
Écrit par : édith l'absente | lundi, 16 novembre 2009