1007-2007 : la fortune d'un mot (mardi, 09 décembre 2008)

2007 : Le Bourgeois fête ses mille ans cette année.
Par Sara

 

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La première fois qu'il est nommé, c'est en l'an 1007 : une Charte émanant du Comte d'Anjou, Foulques Nerra, établit un "bourg franc" auprès de l'Abbaye de Beaulieu près de Loches. Ses habitants sont affranchis de toute servitude ou impôt. Mais la Charte énonce une menace à l'encontre de ses habitants ; "Si les bourgeois s'attaquent aux moines ou à leurs serviteurs et s'emparent de leurs biens, ils paieront une amende de soixante livres." C'est la première fois que le bourgeois fait irruption dans un texte, souligne Régine Pernoud, et c'est justement pour prendre des garanties contre lui.

Dès sa naissance, on le craint. Non seulement le bourgeois s’est attaqué aux moines et aux abbayes mais aussi aux seigneurs dans leurs châteaux et au menu peuple à qui il a toujours menti. Toute cette société du Haut Moyen Âge était ébranlée deux cents ans après. Huit cents ans après, il n'en restait plus rien. Le bourgeois avait fait sa révolution, l'avait gagné et tout le monde était au pas. Sa naissance, il la devait à une société close dans laquelle, fils perdu, il n'avait pas sa place : il s'est inventé en essayant de survivre grâce au commerce. Il a admirablement réussi.

Aujourd'hui, il est innombrable. Il est propriétaire, son épargne est bien placée ; il est gros ou petit-bourgeois qu'importe. Il a une particularité : on ne le rencontre jamais. Il est quasi impossible d'en rencontrer un. Omniprésent, il n'est nulle part.

Pourtant, l'ouvrier, lui-même, s'est embourgeoisé ; le fonctionnaire l'est. Le fond du bourgeoisisme, c'est la propriété, c'est l'usus et l'abusus, le droit d'user et d'abuser de son bien - contre la coutume du haut moyen âge - tiré du droit romain et consacré par le code Napoléon. Qu'on dresse la liste de ceux qui ne sont propriétaires de rien, ni de leurs champs, ni de leur toit, ceux qui n'ont ni voiture, ni sicav… On trouvera des imprévoyants, des SDF, des mères de familles chargées d'âmes trop nombreuses.

Le bourgeois est l'objet de toutes les envies, de tous les désirs, il est le modèle et en même temps le repoussoir, l'objet de la risée de tous et surtout de ses fils. Molière l'a ridiculisé, Baudelaire le détestait, Sartre l'abominait, les soixante-huitards l'exécraient.

Sa fortune tient en peu de mots : le bourgeois, cela n'est jamais soi-même, c'est l'autre.

 

Sara

 

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