Oh, zones...
mardi, 09 octobre 2012
Un billet d'Esther Mar sur une musique de Victor Tsoi et Kino.
Il suffit qu'on change, un quart de seconde, le point de vue qu'on a sur la vie pour sortir de l'enfer et entrer dans un monde très beau.
Et ça on refuse de le faire, parce que c'est trop facile.
Et pourtant, ce n'est que ça, la résurrection.
Et pourtant les cauchemars continuent, nuit à après nuit. Insomniapolis mange mon sommeil. La ville nocturne m'emporte dans son monde gore où nous réalisons enfin que nous ne sommes que des zombies. Nos manteaux attaqués par la vermine, nos chaussures trouées traînent dans les flaques banlieusardes. Les monstrueux lambeaux de villes nouvelles, déjà noyées de grisaille et de rouille, vidées de tout ce qui ressemble au bonheur de vivre, s'étendent au-delà des horizons. Reste-t-il des forêts, des étangs, des animaux cachés quelque part en ce monde ?
Ô mon Dieu à quoi servirent nos adolescences ? Vous qui n'existez pas, vous seul, pourrez nous sauver du Vide qui nous entoure et qui n'a pas de fond.
Que reste-t-il de ce que nous fûmes, de ce que nous fîmes, de ce que nous fumâmes ? Où sont les photographies où l'on souriait encore, de ce sourire faux qui fait croire au bonheur et qui pousse l'autre au suicide ?
Nos idoles se sont jetées dans les ravins. Leurs voix tournent encore dans des ordinateurs aux cartes sonores distordues. Nous aimâmes l'idée que nous aimerions un jour comme nous avions aimé au cœur de l'enfance, au creux de notre confiance dans un monde dont nous ne voyions que les illusions, les lumières trompeuses.
Comme j'ai mal. Comme j'ai mal à cette enfance aux grands yeux qu'on a trucidée avec des mots. Comme j'ai mal à cette adolescence aux bouches mornes où pendaient des cigarettes, et qui attendait l'aurore. L'aurore est venue : elle était plus triste encore que les prisons déjà connues.
Les amours que nous rêvions gisent, avortées au bord de l'océan des déchets. Les cargos du bout du monde coulent au large. Quelques oiseaux volent encore, et je m'accroche à la jeunesse comme une folle alors que les premières rides ont creusé leur sillon de mort sur mon visage conscient et résolu.
Vivre, c'est avoir cru et voir qu'on s'était trompé.
10 commentaires
Comme c'est beau et triste !
Esther a écrit ce texte ce matin, et me l'a envoyé immédiatement. Je n'ai pas voulu attendre pour le publier et je l'ai accompagné d'une chanson de Kino, car quelle voix mieux que celle de Viktor Tsoi peut chanter les funèbres louanges de la Vie blême ?
Merci pour ce billet et pour ce beau voyage dans le monde de Kino
every lover is blue. Every love is red.
Every truth is black.
Ozoneless zone, il y a vingt ans. Je me souviens.
Existe-t-il, en français ou en russe, une bonne biographie de Tsoi & Kino ?
Merci de vos commentaires. Je ne sais s'il existe une biographie de Kino et VIctor Tsoi en français, en livre papier, mais sur internet on trouve beaucoup de choses. Je suis heureuse Tectonique des plaques que tu te souviennes.
Aucun amour ne meurt jamais. On peut quitter quelqu'un quand il nous amoindrit sans même s'en rendre compte, par ses blagues répétitives, par son côté fermé, un peu autiste. Ce n'est pas un crime. C'est juste une tentative de survie.
Vos tentatives de survie fonctionnent-elles, Tectonique des plaques ?
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