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Visite nocturne

 Edith de CL

Où va l’enfance quand un adolescent grandit et devient un adulte ? Quand il dit à son miroir, en le regardant dans les yeux : va-t’en, enfant, désormais je suis un adulte. Sait-on où le pauvre petit trouve refuge ?

Grâce aux licornes, qui chevauchent des millions de nuages pour venir les chercher, tous ces enfants vont vivre sur une île perdue. Gracieuses comme de petits chevaux, les licornes ont une corne sur le front ; certaines ont des ailes. Elles sont invisibles, sauf lorsqu’elles désirent qu’on les voit. Chaque fois qu’un adolescent ne veut plus de l’enfant qui est en lui, l’une d’elle chevauche des milliers de kilomètres, dans les airs, pour venir le chercher. La licorne prend l’enfant sur son dos, et pendant des jours et des nuits, elle chevauche les nuages, au-dessus des villes, des forêts et des océans, pour l’emmener sur l’île de l’enfance oubliée.

Très peu de gens connaissent l’existence de cette île d’exil. Gabrielle ignorait son existence, jusqu’au soir où on frappa à sa fenêtre alors qu’elle réfléchissait à sa table de travail.

Le travail de Gabrielle consiste à écrire, sur son ordinateur, des articles pour des journaux. Elle écrit presque tout le temps. Quand elle n’écrit pas, elle boit beaucoup d’alcool ; elle ne peut pas s’en empêcher. Avec ses vieux amis au restaurant, elle boit. Seule dans son petit appartement du dix-septième étage, elle boit. Du cognac et de l’armagnac, du vin, de la bière, et du whisky. Elle n’arrive pas à s’arrêter. De temps en temps, elle se sert un petit verre, et décide que ce sera le dernier verre d’alcool de sa vie. Une journée passe. Le soir suivant, avec un soupir, elle se ressert un petit verre en murmurant : c’est raté pour cette fois. Je n’ai pas arrêté.

Ce soir-là, elle travaillait à sa petite table de bois, en sirotant de l’armagnac, lorsqu’on frappa à sa fenêtre. Comme elle habitait au dix-septième étage d’un immeuble en béton, elle sursauta. Comment avait-on pu grimper si haut ? Apeurée, elle releva les yeux. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle vit, en suspension devant la vitre, une petite fille qui la regardait, assise sur une licorne volante.

Elle demeura quelques instants hébétée. Son regard oscillait entre les yeux de la fillette et ceux de la licorne. Elle crut qu’elle rêvait. La licorne voletait autour de la vitre, avec de très beaux mouvements d’ailes, chevauchée par l’enfant aux grands yeux. Gabrielle renonça à comprendre. Elle alla ouvrir la fenêtre.

- Je suis folle, pensa-t-elle. Je le savais déjà, d’ailleurs.

Lorsque la fenêtre fut grande ouverte, la licorne vint poser ses pattes sur le rebord. L’enfant tenait sa crinière d’une main.

- Bonjour Gabi, fit l’enfant.

- Bonjour, répondit Gabrielle.

- Hhmmmouahw, dit doucement la licorne.

- Bonjour… Lui dit Gabrielle en lui passant la main sur son museau. La licorne ferma les yeux de contentement.

« Je pensais que les licornes n’existaient pas », songeait Gabrielle en frissonnant ; elle contemplait le vide qui s’étendait au-dessous de la licorne et de sa petite cavalière. Dix-sept étages ! En bas, la ville paraissait minuscule, comme une miniature.

- Entrez, dit Gabrielle en ouvrant grand la fenêtre.

La licorne donna un coup d’aile, et bientôt elle posait délicatement ses pattes sur le carrelage de la pièce. La petite fille se laissa glisser à terre.

- Merci Licorne, dit-elle à l’étrange animal en lui pinçant la barbiche.

La licorne frotta sa tête contre l’épaule de la fillette et alla s’allonger sur le canapé. Elle prenait toute la place du canapé. Elle se blottit contre les coussins, se gratta les pattes avec sa corne, et ferma les yeux. Elle s’endormit.

- Si mes amis voyaient cela ! pensait Gabrielle. Mais elle parvint à surmonter sa stupéfaction et se dit que l’enfant devait avoir soif. Elle regarda dans sa cuisine.

- Ma pauvre enfant, je ne peux t’offrir que de l’eau. Car tu ne bois pas d’alcool, je suppose ? Non, bien sûr ! Cette petite a beau traverser la nuit à dos de licorne, elle doit boire du jus d’orange comme tous les enfants. Il n’y a que les vieilles alcooliques comme moi pour s’enfiler de l’armagnac toute la soirée…

Elle parlait tout haut, comme d’habitude, sans s’en rendre compte. La fillette l’écoutait. Elle vint se planter devant Gabrielle, et la contempla de ses grands yeux candides.

- Mais Gabi, dit la petite. Tu n’aimes pas l’alcool !

Gabrielle la considéra un instant, ne sachant que penser.

- Petite fille, comment sais-tu mon nom ? Et qui te dit que je n’aime pas l’alcool ?

- Tu ne me reconnais pas ? demanda la fillette, les larmes aux yeux. Pourquoi ne me reconnais-tu pas ? Je t’aime tant ! Tu m’as donc oubliée…

Sur les joues de la petite fille les larmes coulaient en cascade. Gabrielle, très émue, oublia l’étrangeté de la situation. Oui, bien sûr, elle connaissait cette petite fille. Mais elle ne parvenait plus à se souvenir de son nom, ni de l’endroit de leur rencontre. Elle la regardait pleurer avec une grande tristesse. Les yeux de la petite fille demeuraient grand-ouverts, dégoulinants de larmes. Soudain, Gabrielle sut qui était l’enfant. Elle faillit tomber ; elle vacilla, s’accrocha à une chaise et bégaya :

- Mais… Gabi ! Tu es Gabi ! Tu es… Tu es… L’enfant que j’étais il y a longtemps… Oh, Gabi ! Tu n’es donc pas morte ? Tu es revenue me voir ?

Elle prit la petite fille dans ses bras. Maintenant, c’était Gabrielle la grande qui sanglotait à chaudes larmes.

La petite fille lui essuyait les larmes en lui caressant les cheveux.

- Alors, tu es devenue alcoolique ? demanda-t-elle.

- Oui… Tu m’en veux ?

- Non, mais comment peux-tu boire de l’armagnac ? Je détestais l’odeur quand les grands en buvaient ! ! ! Tu manges toujours du chocolat, au moins ?

- Heu… Je… Je t’avoue que non. J’oublie d’en acheter.

- Mais enfin, j’adorais le chocolat ! Et les croissants ? Tu ne manges plus de croissants ?

- Ah, si, ça, je continue. En plus, maintenant je peux m’en acheter tous les matins avec mon argent. Tu sais que je suis journaliste ?

- Je voulais être écrivain !

- Si tu crois que c’est facile ! Et puis, quand on est journaliste, on écrit tous les jours, tu sais… Tiens, au moment où tu es arrivée, j’écrivais justement un papier sur cette stupide guerre qui commence et qui va tuer plein de gens.

- Je suis contente que tu n’aimes pas les guerres… Mais je voulais être écrivain, moi…

- Désolée Gabi. J’ai essayé… J’ai vraiment essayé…

La fillette baissa la tête. Elle avait l’air déçu et mécontent.

- Gabi, tu crois que c’est facile, la vie d’adulte ?

- …

- Je t’assure que rien n’est comme tu l’imaginais.

- Je sais… Je devine. C’est pour ça que tu bois, n’est-ce pas ?

- Peut-être…

- J’avais promis que je serais écrivain.

- Je me souviens… Je suis désolée, Gabi.

- Tu me fais rater ma promesse.

Et la petite fille cacha son visage entre ses mains pour ne pas montrer sa peine.

Gabrielle la serrait contre elle pour la consoler, mais elle sentait confusément que rien ne pouvait apaiser l’enfant qu’elle avait été.

Elle lui murmura :

- Cela fait si longtemps, si longtemps que tu n’étais plus là. Je ne t’ai jamais oublié, tu sais. Pendant toutes ces années, il n’y a pas une soirée où je n’ai pensé à toi.

La fillette releva la tête.

- C’est vrai ? Tu me le jures ?

- Je te le jure, répondit Gabrielle.

- Alors, écris-moi une histoire. Je veux que tu sois écrivain ; je l’avais promis.

- C’est vrai, tu l’avais promis.

- Tu dois tenir mes promesses. Si tu m’aimes.

- J’écrirai, Gabi, c’est sûr. Tu peux me croire.

Le visage de la fillette s’éclaira d’un sourire. La femme et la petite fille avaient presque le même sourire. Mais celui de la femme était plus doux, et celui de la fillette plus triste.

- Tu m’en veux ? murmura Gabrielle. Dis, Gabi, tu m’en veux ? De n’avoir pas écrit…

La fillette secoua la tête pour montrer qu’elle ne lui reprochait plus rien

- Tu vas le faire maintenant. Je suis contente d’être venue.

Gabrielle se sentit soulagée. La toute petite fille qu’elle avait été il y a bien longtemps, et dont elle ne se souvenait plus très bien, elle venait de la retrouver et de lui faire une promesse.

Maintenant, Gabi, l’enfant, se faufilait hors des bras de Gabrielle.

- Fais-moi visiter ta maison.

- D’accord, dit Gabrielle.

La licorne dormait toujours sur le canapé. Gabrielle prit la main de la petite fille dans la sienne. Elle lui montra sa chambre.

- Oh, c’est drôle ! dit l’enfant dans un éclat de rire. Elle est aussi en désordre que la mienne !

- Et oui, dit Gabrielle. Je ne range pas mieux que toi.

Elles riaient toutes les deux. L’enfant voulut voir la salle de bains, qu’elle trouva très jolie, avec son carrelage bleu et blanc.

- Je suis contente que tu aies une maison comme ça. J’en rêvais.

Gabrielle fut très heureuse de ce compliment. Elle avait eu peur que la fillette lui reproche sa façon d’arranger son appartement.

- Veux-tu dîner avec moi ce soir ? Je cuisine très mal, mais…

- Gabi, voyons ! je ne mange plus depuis longtemps, s’écria la petite Gabi, et elle éclata d’un rire cristallin. Je suis ton enfance ! C’est toi qui manges.

- Ah, oui, c’est vrai, marmonna Gabrielle, qui ne comprenait pas très bien.

- Moi, je vis sur l’île des enfants oubliés et je t’envoie des rêves, la nuit, pour te faire un beau sommeil. Malheureusement, parfois tu ne comprends pas mes rêves, et ça te fait des cauchemars. Depuis longtemps, je sentais que cela n’allait pas très bien dans ta vie. Alors j’ai demandé à la licorne de m’amener jusqu’à toi. Elle est belle ma licorne, n’est-ce pas ?

- Elle est magnifique. Elle est à toi ?

- Bien sûr. Tous les enfants ont une licorne et toutes les licornes ont un enfant. Elle est ma meilleure amie et nous sommes toujours ensemble sur l’île.

A ce moment, la licorne s’éveilla Elle étira ses quatre pattes sur le canapé, ses griffes déchirèrent les coussins. Quand elle fut bien éveillée elle sauta à terre. Ses pattes glissèrent sur le carrelage et elle faillit tomber. Elle se posta devant les deux Gabi, comme pour dire :

- Je suis prête !

Alors Gabi la petite caressa sa douce corne bleutée.

- Oui, ma licorne, dit-elle à la licorne. Je vais monter sur ton dos, nous chevaucherons les océans de nuages au milieu des oiseaux, et tu me ramèneras sur l’île de l’enfance oubliée. Et toi, Gabi, dit-elle à la grande Gabi, Tu vas tenir tes promesses ?

- Je ne sais pas si je vais réussir à arrêter de boire, répondit Gabi. Mais je te jure de manger plein de chocolat, et d’écrire une histoire.

Comme la licorne s’impatientait, la petite sauta sur son dos. La licorne sauta par la fenêtre. Au fond de la nuit, la lune souriait. La petite fille s’exclama :

- Oh ! Regarde la lune, elle sourit ! Licorne, emmène-moi dire bonjour à la lune.

La licorne balança sa tête pour dire oui, et s’élança dans le ciel.

- Je reviendrai lire ton histoire ! cria Gabi à Gabrielle.

Gabrielle lui fit de grands signes de la main, tandis que le vent de la nuit faisait danser ses cheveux.

- Si un jour tu reviens, je te lirai mon histoire, murmura-t-elle en fermant la fenêtre. Mais ne sois pas étonnée si cela parled’une petite enfant d’il y a très longtemps et d’une licorne qui chevauche les nuages.

 

Edith de CL - 2006

 

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mardi, 14 mai 2013 | Lien permanent | Commentaires (3)

L'hôtel de Massa, siège de la Société des Gens de Lettres

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Photo Sara

 

Puisque cette année, je suis responsable du patrimoine de l'hôtel de Massa et de la Société des Gens de Lettres, j'ai participé à l'accueil du public lors des Journées du Patrimoine, le 17 septembre. Je relate ici l'histoire de notre Société et de l'hôtel de Massa, à ma manière, bien que le contenu soit strictement inspiré par le fascicule bien plus complet, rédigé par Jean Claude Bologne, mon prédécesseur, et Cristina Campodonico, la prêtresse de l'action culturelle massaïote, pour aider les conférenciers improvisés.

 

L'hôtel de Massa, des Champs Élysées au Faubourg Saint-Jacques

L'hôtel de Massa porte le nom de ses derniers propriétaires, qui habitaient l'hôtel dans la première partie du XXème siècle : les ducs de Massa. Ce titre de duc de Massa a été créé par Napoléon pour remercier un compagnon de route, Claude-Ambroise Régnier, qui a participé au coup d’État du 18 brumaire. Ce premier duc de Massa est d'ailleurs enterré au Panthéon. Aujourd'hui, ce titre ducal a disparu.

L'hôtel de Massa fait partie de ces nombreuses « folies » qui ont poussé à la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècle. Folie signifie « feuillée », endroit de verdure, mais se prend également au sens propre, puisque ces petits châteaux élégants entourés de jardins ravissants causaient des dépenses effrénées à seule fin d'abriter des plaisirs tantôt mondains... tantôt clandestins.

 

C'est l'architecte Le Boursier qui a bâti celle folie-ci, pour le compte de Thiroux de Montsauge, seigneur de la Bretêche Saint-Nom de Champillot, de sa profession administrateur des Postes. Et figurez-vous que cet hôtel, construit par Le Boursier entre les années 1778 et 1784, a été édifié, tel que vous le voyez aujourd'hui... sur les Champs-Élysées ! Précisément au croisement de la route du Roule et de ce qui s'appelait alors le chemin des Champs-Elysées. À l'emplacement exact où, aujourd'hui, se croisent la rue de La Boétie et l'avenue des Champs Elysées. Ce qui aujourd’hui s'appelle l'avenue des Champs-Elysées était alors la campagne. Notre hôtel fut l'un des premiers édifiés, suivis par six autres en 1790.

On dit d'ailleurs que l'administrateur des postes n'y résidait guère, et qu'il était plutôt habité par une demoiselle Contat, actrice de la Comédie Française et maîtresse du frère de Louis XVI, qui deviendra, sous la Restauration, le très rigide Charles X.

Pendant la Révolution, l'hôtel est laissé à l'abandon, puis déclaré bien national. Napoléon en fait la résidence du comte Marescalchi, ambassadeur d'Italie à Paris, mais souvenons-nous que Bonaparte était président du gouvernement italien ! Sous l’empire, l'hôtel connaît une ère de fêtes brillantes qui rassemble le tout-Paris riche et célèbre.

Les propriétaires se succédent ; l'hôtel a abrité plusieurs ambassades. L'ambassade d'Italie, entre 1804-1814 ; l'ambassade d'Autriche, entre 1814-1826 ; l'ambassade de Belgique, entre 1842-1848.

Alors qu'il est devenu la propriété des ducs de Massa, éclate la guerre franco-allemande de 1870. La France vaincue a perdu l'Alsace et la Lorraine et l'hôtel voit défiler l'armée allemande à ses fenêtres, sur l'avenue des Champs-Élysées. La légende dit alors que le duc de Massa a fermé les volets de l'hôtel, jurant de ne pas les rouvrir avant qu'ait sonné la revanche.

De fait, l'hôtel est très peu habité. Il ne sert qu'à recevoir de brillantes fêtes, deux ou trois fois l'an. À la date symbolique du 14 juillet 1919, au lendemain de la première guerre mondiale, l'Alsace et la Lorraine sont revenues à la France ; le cousin du duc qui avait fermé les volets les rouvre.

 

Paris s'est agrandi. Le chemin des Champs Élysées n'est plus une voie champêtre à l'extérieur de Paris, mais une avenue commerçante à l'intérieur de la capitale. Une avenue commerçante qui attire les investisseurs. Deux d'entre eux rêvent d'ouvrir, sur cette avenue, un grand complexe commercial à l'image de ceux qui fleurissent déjà aux États-Unis d'Amérique. Ces deux investisseurs s'appellent Théophile Bader et André Levi. Le premier est président des Galeries Lafayette ; le second, promoteur immobilier. Ils souhaitent racheter l'hôtel, le détruire pour édifier leur immense complexe. Mais la Commission du Vieux Paris s'insurge et l'hôtel est classé Monument Historique en 1926.

On ne peut plus le détruire ; mais les investisseurs ne veulent pas renoncer à leur projet. Ils sont justement très amis avec le ministre de l'éducation nationale ( et futur président du Conseil des ministres) Édouard Herriot. Celui-ci, membre de la Société des Gens de Lettres, propose que l'hôtel soit dévolu à la société d'auteurs, à l'étroit dans un appartement de la Chaussée d'Antin. Il suffirait de le démolir pierre par pierre et de le reconstruire à l'identique ailleurs...

Formidable idée, qui plaît beaucoup aux auteurs qui justement cherchent une maison pour abriter leurs travaux... Las ! Les auteurs ne sont pas riches, l'achat de l'hôtel, son déplacement, sa reconstruction sont au-dessus des moyens de notre Société. Qu'à cela ne tienne ! Nos investisseurs, eux, sont riches, ils aiment les arts et les lettres, et voudraient bien que leur affaire des Champs Élysées avance. Ils offrent donc la démolition et la reconstruction de l'hôtel. L’État ne peut rester insensible à cet élan de générosité ; à son tour, il met à disposition un bout du très grand jardin de l'Observatoire de Paris.

L’État offre en outre les transformations intérieures de l'hôtel, nécessaire à sa destination future. Désormais Massa ne sera plus un lieu de bals masqués et d'amours clandestines, mais la maison où les auteurs administrent leurs droits et la solidarité qui les lie. En échange de cette aide à l'aménagement intérieur, l’État demande à ce que l'hôtel lui appartienne : la Société des Gens de Lettres bénéficie d'un bail emphytéotique, c'est à dire de 99 ans, en échange d'un franc symbolique que nous payâmes en 1927. Notre bail arrivera à terme en 2026 et nous espérons qu'il sera renouvelé !

Le chantier a duré plus d'un an et ce déplacement a largement occupé la presse parisienne et nationale durant toute cette période.

Les Galeries Lafayette nous avaient donc offert le transport, par six camions de cinq tonnes, des pierres numérotées soigneusement. 65 ouvriers et 4 chefs pour la démolition, 43 ouvriers et 5 chefs pour la reconstruction.

Nous étions donc presque installés dans notre nouvel hôtel, dont la première pierre fut inaugurée le 16 juillet 1927, lors d'une cérémonie officielle, en présence d'une foule d'invités. Comment remercier les Galeries ? En se fournissant en meubles chez eux, bien sûr. Et c'est l'écrivain Pierre Benoît, dont on trouve encore les romans en librairie (L'Atlantide, Mademoiselle de La Ferté, Konigsmark), qui a choisi un ensemble de 110 pièces Art Déco, aujourd'hui répertoriées aux Monuments Historiques.


La Société des Gens de Lettres

Quel long combat pour que les écrivains touchent le fruit de leur travail ! Un combat qui, comme celui de tous les travailleurs, n'est jamais gagné. Longtemps, ce furent les libraires, qui étaient aussi éditeurs, qui empochèrent de l'argent sur les ventes des ouvrages, tandis que les écrivains ne recevaient qu'un forfait au moment de la vente de leur texte au libraire.

En 1764, les libraires lancèrent l'idée de la propriété intellectuelle, mais... en s'arrogeant la propriété intellectuelle d’œuvres qu'il n'avaient pas écrites, mais qu'ils imprimaient et diffusaient ! Ainsi, ceux qui eurent l'idée de propriété intellectuelle pour les œuvres, n'en étaient que les commerçants.

Or, le 30 décembre 1791, dans la tourmente révolutionnaire, l'idée de propriété intellectuelle réapparaît, mais au profit des auteurs des œuvres. L'auteur de théâtre Beaumarchais renchérit et réclame la création d'une Société qui récolterait les droits touchés par les entrées de théâtre et les redistribuerait aux auteurs. Cette Société, La Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, verra le jour en 1829 et reste aujourd'hui la plus ancienne société de perception de droits d'auteur.

Au mois de juillet 1793, la Convention proclame réellement le droit d'auteur ainsi : « la propriété littéraire appartient aux auteurs d'écrits en tout genre ». C'est le début de la liberté pour les auteurs, qui vont commencer à vivre de leur œuvre sans devoir se mettre sous la protection d'un mécène.

Mais que de temps pour que la réalité suive le droit !

Les romanciers, au XIXème siècle, touchaient leurs droits d'auteur sur les feuilletons publiés dans les journaux parisiens, mais tous les journaux de province reproduisaient ces feuilletons sans s'acquitter d'aucun droit, pour la joie des lecteurs et la misère des auteurs. C'est pour remédier à cette situation que Balzac, auteur feuilletonniste, a l'idée d'une société de perception et de redistribution des droits pour les journaux de province. Son ami Desnoyers concrétise cette idée deux ans plus tard, en 1838.

1838. C'est notre date de naissance. Dans l'appartement de Desnoyers, rue de la Michodière, des auteurs approuvent l'idée de créer cette société. Le 16 avril 1838, 95 hommes de lettres répondent à l'appel et participent à la première assemblée générale de la Société. Un comité directeur est élu, pour diriger la société dont la mission est claire : la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres, le secours aux écrivains nécessiteux. Parmi les membres fondateurs, Balzac, mais aussi Hugo, Sand, Arago, Lammenais... (Il faut rappeler que si une seule phrase de Victor Hugo est sans cesse citée, sortie de son contexte, par les opposants au droit d'auteur et les militants de la gratuité numérique, l'écrivain-titan fut un fervent combattant en faveur de la propriété intellectuelle). Plus de cent-cinquante ans plus tard, le comité directeur de la SGDL continue de se réunir chaque mois. Les buts de la Société sont restés les mêmes. Nous défendons les intérêts moraux et matériels des auteurs auprès des pouvoirs publics, et nous venons en aide, via notre Commission des Affaires Sociales, aux auteurs nécessiteux.

Depuis 1983, toutefois, nous ne sommes plus une Société de perception et de répartition. Les éditeurs payent directement les auteurs et la SGDL se concentre sur ses missions juridiques, culturelles et sociales.

 

Pour connaître en profondeur notre histoire et celle de Massa, on peut lire la très jolie Histoire de l'hôtel de Massa illustrée de Jean Claude Bologne. Elle est en vente à l'accueil de Massa, ou par téléphone.

Le site de la SGDL

 

 

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lundi, 26 septembre 2016 | Lien permanent | Commentaires (1)

La nuit dernière

J'ai quitté la grande ville et je m'enfonce dans le silence nocturne des petites villes de province. Mais que se passe-t-il, dans un port, la nuit, l'hiver ? Tous les soirs, je me cache dans un grand manteau noir et je sors dans la bruine. Les ruelles éclairées par les lampadaires m'indiquent le ton à donner à ma démarche. Impasse des Francs-Maçons, rue de l'Enfer, rue Rapace, rue des Bons Enfants, rue Rapide, rue Zig-Zag, rue de la Pie, rue Monte-à-peine, rue de la Patrie... Et puis je déboule sur le port et je vais voir si le phoque qui dort sur la cale est bien venu ce soir. Solitaire, il échoue volontairement le soir ici, et quand la marée monte il se laisse glisser à nouveau vers le large. Qui es-tu, mystérieux phoque et depuis combien de mois, d'années, vis-tu ? A quoi penses-tu, dans ta solitude, au milieu des bateaux dormants et des épaves en réparation, sous la grande glacière, pas loin de la capitainerie ? Toi qui t'approches des lieux humains, à quoi songes-tu, immobile et endormi ?

J'ai eu peur, impasse Guine, à trois heures du matin. Même le pub des grands fêtards était fermé. Plus rien ne bougeait dans le port, plus rien que moi et lui. Quand j'ai vu sa silhouette, j'ai d'abord cru à un homme et j'ai eu très peur. Puis je me suis dit, "ce n'est qu'un chien". Quelques instants de soulagement avant que je ne l'aperçoive. Il avait des babines dignes des chiens qu'on faisait combattre dans les arènes romaines. Il grognait. Il bavait. Ses joues pendaient jusqu'au sol et entre ses lèvres tombantes apparaissaient d'énormes dents.

- Pardon, tout va bien, lui murmurai-je, pour le calmer.

J'imaginais qu'en cas d'attaque imminente, en criant très fort quelqu'un entendrait mon appel au secours malgré le vent sifflant et bourdonnant, malgré les ding-dongs des mats des bateaux, malgré l'extinction de toute vie à cette heure. Mais je vis son regard et je vis qu'il était bon.

Je m'approchais, tenant dans ma main enfouie au fond de ma poche cette jolie croix qui date du XVIII°siècle, que ma mère m'a offert l'année de mes trente ans et qui ne me quitte plus. (J'espère mourir en la portant autour du cou, à sept heures du soir, dans le soleil couchant, en rentrant d'une promenade, quand je serai vieille). Cette croix, symbole d'amour et de sacrifice, je ne la quitte pas car j'ai regardé un film d'autodéfense qui expliquait que lorsqu'on est agressé par un être dangeureux et déterminé, la seule façon de s'en sortir était d'être au moins aussi déterminé que lui. C'est à dire : prêt à tuer. C'est pourquoi, à l'heure des grands détournements vintage et shabby chic, je garde cette croix (clef de Barbe-bleue ou porte du paradis ?) pour la planter dans l'oeil de celui qui en veut à ma bourse, à ma peau, à mon honneur.

Allais-je devoir en passer par là ? C'était presque un désir, tant je suis timorée, tant j'ai envie au tréfonds de moi de vaincre.

Mais je vis qu'il était attaché à une corde, et j'osais m'approcher.

Il grognait, il piaffait, il bavait.

Et je vis qu'il portait sur le cou des marques de brûlure. Des brûlures de cigarettes.

Le cadenas de la chaîne était fermé, mais la clef était restée dessus. J'ouvris et délivrais la bête, précipitant peut-être mon propre destin. Le molosse allait-il se ruer sur moi et me transformer en charpie ? Le propriétaire du chien (puisque nous, humains, sommes assez exsangues de vie pour nous approprier d'autres êtres) allait-il débarquer, un couteau à la main ?

Le chien comprit qu'il était libre. Il fit quelques pas hors de l'impasse. Je le suivis. Il marcha vers le port et erra quelques temps, sous mon regard qui tentait de distinguer ses mouvements dans la nuit. Cette nuit d'hiver était noire et pure et des étoiles par milliers scintillaient loin au-dessus de notre monde.

Je le vis descendre sur la cale et j'eus peur pour le phoque. Qu'allait-il se passer entre l'échoué de la nuit et la bête maltraitée ? Je m'approchais, le coeur battant. Le dogue ne fit que renifler le phoque, qui ne l'entendit pas. Puis il se mit à l'eau.

C'est alors que j'entendis des hurlements. A l'entrée de l'impasse, quelques hommes jeunes chargés d'alcool et de violence criaient un nom : "Kheops ! Kheops, sale bête ! Kheops !"

Effrayée, je m'accroupis derrière une camionnette garée tout près de moi.

Dans l'eau, Kheops restait immobile. Je crus distinguer son regard tourné vers moi. Les appels avinés, pleins de colère, retentissaient dans le port. Une lumière à l'étage d'une maison s'alluma, puis s'éteignit aussitôt.

Un bruit d'eau léger m'interpella. Keops nageait vers le large, silencieusement. Il nageait vers le chenal, vers l'ouverture de la mer.

Profitant d'un nuage qui passait sur la lune et rendit le port entièrement noir, je me levais de derrière la camionnette et m'enfuis vers le remblai.

Il était quatre heures du matin, quand je refermais la porte du petit appartement derrière moi. Je ne dormis pas de la nuit.

Bonne chance, Kheops.

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samedi, 25 janvier 2014 | Lien permanent

pour Milo : un conte de 1891

 

Voici le début de la nouvelle de Marcel Schwob intitulée Pour Milo. Schwob fut biographe de François Villon, auteur d'un joli texte sur Saint François d'Assise, spécialiste de l'argot français. Opiomane, il devait fréquemment quitter la table (les tables de grands bourgeois et d'intellectuels parisiens qu'il fréquentait) pour aller se faire une piqûre dans les toilettes. Il mourut à trente-sept ans, le 26 février 1905. Il était né dans une riche famille alsacienne d'intellectuels juifs et patriotes français, avait failli mourir de douleur à la mort de son amante Louise, une jeune fille d'origine ouvrière, qui se prostituait.

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Je vais vous dire ce que je suis : un homme très tranquille et vivant d’un peu d’argent que je gagne dans mon commerce. J’ai appris de la politique avec les vieux camarades qui jouent aux boules, sur le soir, près du port, et si j’ai bien compris, je dois être un bourgeois. Sûr, j’ai un peu de bien, et deux petits qui bâillent au soleil, et une bonne femme que j’aime du fond de mon cœur ; sûr, je fume ma pipe, sur le banc goudronné à gauche de ma porte ; j’ai du tabac dans ma vessie, comme un monsieur — et si je ne bourre pas ma horn butun de la même façon que les autres, c’est que je n’ai plus de bras droit. Voilà aussi pourquoi c’est ma femme qui écrit pour moi ; mais je regarde par-dessus son épaule, et je vois si elle met tout, tel que je le dis. Je suis un peu tatillon pour cela ; je regarde bien aussi à la maison de ville pour voir si le secrétaire de M. le maire inscrit exactement, quand je donne mon avis. Si les gens du pays m’ont envoyé au conseil, je ne veux point les tromper sur leurs affaires ; je ne veux point non plus tromper mon gars, quand il lira ceci plus tard, après ses années d’école, mon petit gars qui me regarde, le derrière dans mon écopette, en suçant son pouce.

 

Pourquoi je raconte mon histoire, c’est une idée qui m’est venue ainsi que je vais dire. Les camarades prétendent qu’un bourgeois est à l’aise sans avoir travaillé, qu’il mange censément le pain que lui font les autres, qu’il est né coiffé pour licher pleine gamelle, tandis que ceux qui peinent raclent les pots vides. La journée finie, quand je me couche dans mon bahut, sur un bon matelas bourré de varech qui sent fort, et que je regarde à la chandelle ma boutique, je me demande quelquefois pourquoi je suis heureux, cossu, bien au chaud avec ma bonne petite femme, un beau garçon qui tire sur ses cinq ans et une jeune demoiselle qui prend des airs pour dix, bien qu’elle n’en ait que deux, — tandis qu’il y a de pauvres chemineaux qui battent la route à grands coups de semelle et dorment au frais avec un oreiller de souliers ferrés. Ça me tient bien fort, ces idées-là, avant de souffler ma chandelle (nous avons bien des bougies — mais ma femme les garde pour les pratiques). Il y a comme un judas entre la chambre et la boutique, juste au-dessus du comptoir ; je vois jusque dans la rue entre les paquets de millet qui pendent du plafond avec les saucisses fumées et les morues sèches, jusque sur les petites bouteilles pleines de boulettes rouges, blanches et bleues, sur les images d’Épinal, et les pipes en sucre d’orge, et les pétards ficelés, et les harengs saurs qui montrent leur ventre luisant comme un gilet d’or dans une redingote verte, et les pelotes de ficelle jaune, et les mèches à briquet soufrées, paquetées en nœuds comme des boyaux orangés de poisson. Tout cela est à moitié dans l’ombre ; le vent qui passe sous la porte fait trembler un peu la flamme rouge de la lumière ; ça fait un filet de fumée qui lèche la poutre du milieu — et je vois reluire au-dessus de la coiffe blanche de ma femme les bords de toutes les boîtes d’étain. On dirait que la boutique est pleine d’or et d’argent ; du millet d’or pâle au plafond, et des boudins d’or rouge, des harengs d’or jaune et d’or vert, des balais neufs avec des cheveux en paille d’or, des sucres d’orge en or transparent et des oranges d’or massif ; et puis de belles boîtes d’argent où il y a du café, du poivre et de la cannelle, des casseroles luisantes comme des sous neufs ; ça réjouit le cœur.

 

Je ne lui disais rien, à elle, après que nous étions pelotonnés sous la courtepointe, par les nuits de rafale, quand on se serre contre les bords de son lit et contre le mur tiède. C’est là que ça me pinçait le plus dans le cœur. On entend très bien de chez nous les grandes lames qui se brisent, et des fois, le jour, les paquets d’embrun viennent jusque sur la table à détailler, quand on a vent d’ouest. C’est un bruit qui tire les pensées tristes du fond de vous-même, et vous ramène dessus sans qu’on puisse s’en dépêtrer ; si bien qu’elles seraient amères comme du fiel, il faudrait rester à les remâcher pendant des heures.

Marcel Schwob

La suite de la nouvelle peut se lire par ici...

 



 

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dimanche, 02 mars 2014 | Lien permanent

Traité de la délation

Traité de la délation

Romain Motier

Citoyen de Genève

1947

(Publication aux dépens des Amis de Romain Motier)

 

Article 30 du Code d'instruction criminelle français
"Toute personne qui aura été témoin d'un attentat soit contre la sûreté de l’État, soit contre la vie ou la propriété d'un individu, sera tenue d'en donner avis au Procureur, soit du lieu du crime ou délit, soit du lieu où le prévenu pourra être trouvé".

Article 58 du Code Pénal soviétique, paragraphe 12

"L'omission de la dénonciation, s'il s'agit de la préparation dûment connue ou de l'exécution d'un délit contre-révolutionnaire, comporte la peine de la privation de la liberté pour une période de temps qui ne sera pas inférieure à six mois".

 

NOTE de l'Editeur

Le public trouvera ici les notes posthumes qui constituent le dernier écrit de M. Romain Motier. On sait qu'il est mort le 17 novembre 1946 dans sa modeste maison de Plan-les-Ouates où ses amis et disciples avaient coutume de le visiter. Il était né à Carouge en 1873. Parmi ses grands-oncles, il comptait le fameux Daniel Roguin, d'Yverdon, qui a échangé avec Jean-Jacques Rousseau une correspondance dont les copies sont conservées aux Bibliothèques de Zurich et Neuchatel.

Tout en s'adonnant aux travaux historiques et philosophiques qui lui étaient chers, il a suivi une carrière paisible à la Bibliothèque publique de notre Université, jusqu'en 1905 où il fut affecté au fonds Gustave Revilliod et nommé conservateur-adjoint du Musée de l'Ariana. Pendant les deux grandes guerres, il prodigua ses soins à l'Office Central de la Croix-Rouge. Ses voyages en Europe, son érudition, le journal intime qu'il n'a cessé de tenir pendant près d'un demi-siècle, et dont quelques intimes connaissent des passages, lui avaient acquis une réputation solide plutôt que brillante. En France, où ses mérites de moraliste n'étaient reconnus que par une élite, il connaissait fort bien le monde littéraire, les conjonctures politiques, car il y fit de longs et fréquents séjours ; et il y amassa une grosse quantité de documents historiques sur le siècle passé, l'époque contemporaine et même les tout derniers événements. Les vicissitudes de ce malheureux pays l'intéressaient beaucoup, depuis dix ans, bien qu'il en fût le témoin détaché et indirect.

Nous n'avons pas ici à rappeler tous ses précédents ouvrages : il nous suffira de citer L'histoire générale des Conférences pour le désarmement (Lausanne, 1924) et Les biens des émigrés, leurs acheteurs, leurs revendeurs, étude sur les conséquences économiques de la Révolution française - livre devenu rarissime, car le tirage tout entier a été racheté par certaines familles - enfin Principes de la censure dans les États modernes (Tome I : Le Cabinet noir - Tome II : la Propagande - Tome III : L'information dirigée.) Cette dernière œuvre, dès sa parution, a été honorée d'une souscription par l'Académie des Sciences Morales de Rio-de-Janeiro et interdite sur le territoire de plusieurs nations européennes.

Quant à son fameux Traité de l'Intolérance, achevé dès 1945, le manuscrit en a disparu, mais nous faisons des recherches pour en récupérer une copie très fidèle, qui paraît-il, serait aux mains d'un délégué tchécoslovaque à l'O.N.U. (Bureau de l’Énergie atomique).

M. Romain Motier, surpris par la maladie qui l'emporta, n'a pas eu le temps de mettre la dernière main au présent livre, mais on verra qu'il avait gardé à un âge avancé, la verdeur d'esprit, l'originalité critique et le style très châtié qu'on se plaît à lui reconnaître. Notre ami semble avoir été atteint dans ces dernières années d'une paranomatose. Cette affection découverte par le professeur Nideck, de Berne, le conduisait à déformer la plupart des noms propres. Nous avons tenu cependant par respect pour sa mémoire, à reproduire fidèlement son manuscrit.

Signalons que, notre auteur ne laissant aucune famille, un Comité d'amis et d'admirateurs se propose de faire dresser un buste à son effigie, dans sa commune même, sur l'ancien champ de manœuvres des milices genevoises ; nous assurons bien que ce monument commémorera un homme de bien qui, toute sa vie, a voulu servir la vérité et la civilisation.

 

Traité de la délation

Chapitre premier

De la délation en général

 

Il est curieux que le mot de délation s'applique tout ensemble, chez les auteurs qui savent les nuances de leur langue, à la dénonciation politique et à une démarche méprisable. Pourquoi ce sens péjoratif ? Parce que la délation est censée, en principe secrète, tortueuse et au surplus intéressée.

Certes, on peut remarquer que la délation est rarement franche et publique quand il s'agit d'atteintes à la sûreté de l’État. Ou bien les coupables (disons plutôt les accusés) peuvent redevenir puissants, et il vaut mieux ne point s'exposer à leur vindicte. Ou bien ils appartiennent à un parti définitivement vaincu, à une minorité imbécile, et l'on fait scrupule de leur donner le coup de grâce, trop ostensiblement, de hurler avec les loups qui déjà les dévore. Dans les deux cas, la délation prend des précautions dictées par la prudence ou le respect humain...

A suivre...

Et, sur le même sujet :

Liberté, vérité, action

Journalistes pousse-au-crime

 

 

 

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mercredi, 19 février 2014 | Lien permanent

Une certaine vision d'AlmaSoror

Sara, AlmaSoror, Edith de Cornulier-Lucinière

« Pleine de gratitude pour le jour qui se lève, j'avance à la poursuite de mon destin. Le désir d'aimer monte à mes lèvres, le désir de combattre oriente mes instincts. La mort avec sa faux ne me fait pas peur, elle est ma servante sur mon chemin. Elle m'enseigne à t'aimer avec mon âme, à sourire quand mon corps ne vaut plus rien. Les dieux bienveillants m'ont distribué des dons, je les sème au vent pour les récoltes de demain. Les dieux ennemis m'ont comblée de tares ; j'en ai fait les armes d'un apparat où le mystère point. Toutes les aubes, je renais des cendres de la nuit, l'ardeur m'entraîne à travers les heures ; tous les soirs j'invente une nouvelle liturgie, avec Nyx et Érèbe je danse et meurs».

L'Âme-Soeur nourricière

 

 

Libre expression, vastes champs

almasoror.plateforme@gmail.com

Apparu en l'an 2006, au mois de septembre, AlmaSoror est un journal culturel intemporel.
Il ne connait pas l'actualité, parce que le temps lui est inconnu.

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"AlmaSoror, je te hais".
Hélène Lammermoor

AlmaSoror

"On pourrait dire d'Alma Soror que c'est le plus beau journal du monde, au sens où l'entendait Michel Butel quand il sortait L'autre journal, puis Encore pendant la première guerre du golfe, deux aventures journalistiques qui façonnèrent, au fil des années 80 et 90, une idée assez fulgurante de la beauté et de l'attente. Alma Soror est de la même veine : un journal tellement beau qu'on ose à peine y croire, mois après mois. On écarquille les yeux en lisant le sommaire, on se dit qu'elle est folle et puis on lit, on se passionne et on se dit qu'elle a raison d'être folle. Mais la beauté d'AlmaSoror a cet éclat supplémentaire d'être à peu près clandestine".
Tieri Briet
Lire l'article entier de Tieri Briet ici : AlmaSoror, l'âme soeur

AlmaSoror, Edith de Cornulier-Lucinière, Sara, blason

"Ces textes sont comme des mains calmes qui me massent les sens".
Le kikliothécaire

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"Le journal d'AlmaSoror fut une promesse, il fut longtemps une promesse, il nous a laissé croire qu'un autre monde était possible puisqu'un autre journal existait. Et puis, comme toutes les belles initiatives, celle-ci a vite été récupérée. Edith de CL s'est laissée entraînée par la blogosphère ou par je ne sais quel amas de groupies et s'est mesquinisée, sans s'en rendre compte, sans le vouloir. Elle nous aura au moins permis de croire, un temps, à la possibilité d'une fente".
Katharina Flunch-Barrows

AlmaSoror

"Ceux qui font AlmaSoror alternent entre des périodes d'exultation et des périodes de léthargie. Ce qui fait que je ne peux m'empêcher d'aller voir régulièrement sur "http://almasoror.hautetfort.com/", s'il y a des nouvelles ambiances qui montent. On s'y baigne et on oublie un peu tout ce qui tourne autour. C'est bien. C'est tout."
Guéric Belanc

AlmaSoror

"Si le journal d'AlmaSoror est français, il peut publier des articles dans n'importe quelle langue.
Quelquefois, les sciences pures et la pensée philosophique et littéraire s'y côtoient pour pouvoir à nouveau s'épouser, comme aux temps anciens.
Du roman blog émergent des personnages ; des personnages émergent des rencontres : des rencontres émergent des histoires. C'est la nouvelle littérature et elle ressemble à toutes les littératures du monde : épique, tragique, fantastique".
Edith de CL

AlmaSoror

"L'agence AlmaSoror a peur du noir mais elle entre pourtant dans les ténèbres car la lumière qui en émane illumine".
Axel Randers

AlmaSoror

"L'âme soeur et la soeur nourricière

AlmaSoror est née en 2006, grâce à une soeur humaine dont le prénom contient le mot "anges", en hommage à une soeur canine dont le prénom contient le mot "ange".

Maison de production  indépendante, label de musique indépendant et blog, AlmaSoror s'attache à se détacher du temps administratif, du temps politique, de l'Empire psychologique et social pour entrer dans la Nuit sociétale. Là, émerge une zone imaginaire, où se tissent nos oeuvres.

Une des particularités d'AlmaSoror est d'être imparfait(e) : tout ce qu'AlmaSoror fait est imparfait. Alors, plutôt que de lutter contre les échecs et les ratages, activité qui nous paraissait équivalente à celle de dresser un barrage contre le pacifique, nous nous sommes dit(s) : chevauchons cette imperfection, puisque elle s'ébroue sans cesse entre nos mains et notre esprit. Chevauchons-là sans bride ni selle et voyons où elle nous mène.

Je crois qu'elle nous mènera au pays de crin blanc. Mais ce n'est qu'une supposition. Pour l'instant, nous chevauchons, la peau tendue, les yeux brûlés, les cheveux au vent glacé de l'hiver qui approche".

Présentation d'AlmaSoror, rédigée à Insomniapolis un jour de décembre 2010, par le collectif 127-B "Étoile de mer"

Sara, AlmaSoror, Edith de Cornulier-Lucinière, VillaBar, John Peshran-Boor, Jean-Pierre Bret

 

AlmaSoror

Agence de création culturelle

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(photo : William Fontaine, par Sara, pour VillaBar)

Vous êtes sur les terres virtuelles d'AlmaSoror. 

N'ayez pas peur de lire des choses écrites ici : les fantômes qui les ont écrits sont partis vivre ailleurs des existences qui ne nous enfument plus. Frères et soeurs maudits, ils demeurent nos bien-aimés. 

 Pour des raisons antispécistes nous ne faisons plus d'alcool de salamandre.

Merci d'être venus.

 (Créée en septembre de l'an 2006, l'agence AlmaSoror a peur du noir mais elle entre pourtant dans les ténèbres
car la lumière qui en émane illumine).

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samedi, 13 mars 2010 | Lien permanent

D'un train crépusculaire

 20h07 : Face à moi un jeune homme blond aux cheveux très courts écoute une musique dans son casque, les yeux fermés, les bras paisiblement posés sur ceux du fauteuil. Il porte un Tshirt à l'effigie du drapeau américain. Plus loin, deux hommes qui ne se connaissent pas se font face. L'un contemple le paysage, l'autre est fixé sur son téléphone portable. La campagne est belle, qui défile derrière la vitre. La respiration du garçon se fait plus forte et très régulière : il dort. J'écris un peu, puis je relève la tête.

Splendeur sur la campagne. Un coucher de soleil flamboyant s'écrase sur les cimes des arbres et se couche dans les champs. C'est un océan de couleurs qui déploie ses vagues nébuleuses et scintillantes entre chien et loup. Quelques vaches encore dehors assistent à ce spectacle époustouflant. Je ne peux détacher mon regard de la vitre et jette seulement de temps à autre un œil sur l'ordinateur pour voir si mes doigts agiles, habitués intimes du clavier, tapent bien ce que je leur demande. Je sais que ce moment empreint d'une magie étincelante ne durera pas. Ces lambeaux de rose et d'orange noyés dans des jetées de bleu indéfinissable ont quelques minutes à peine d'existence. On est entre chien et loup ; le loup va chasser le chien. Nous venons de passer devant une ferme, dont la lumière de la grande pièce était allumée. J'ai aperçu une atmosphère, vite enfuie dans le passé. L'incendie fabuleux se poursuit, au dessus d'un lac ; le lac disparu, il émerge par flots colorés entre les arbres. Les bois se succèdent, puis laissent la place à des champs. Le jeune homme dort toujours, mais les deux messieurs sont absorbés par le même paysage que moi. Si ces moments baignés de sublime se prolongeaient éternellement, serions-nous capables d'en être toujours aussi émus ?

Il est 20h25 et le soleil n'en finit pas de se noyer dans les nappes de couleurs. C'est presque écrasant de beauté. Je voudrais que cela dure toujours et pourtant j'attends la fin avec une sorte d'impatience. Pour me retrouver moi-même après la sidération ? Ou pour me perdre à nouveau dans les méandres inutiles de la vie mentale ? Comme c'est rose, là-bas, rose orangé. Aucun peintre n'a jamais pu rendre la somptuosité à laquelle j'assiste. L'art évoque, l'art approfondit, l'art ne reproduit pas. Peut-être qu'au volant d'une voiture, à une fenêtre, sur un chemin, quelques êtres humains, en instance, contemplent cette beauté en suspension. Une annonce nous dit que dans quelques instants, nous arriverons en gare d'Angers Saint-Laud.

Il est 20h31. Les affreux immeubles de la banlieue d'Angers se dressent entre le couchant et nous. Entre deux barres, au dessus d'un ancien cimetière, dans les branches d'un arbre, le brasier apparaît quelques secondes ; le train ralentit. Comme les villes bétonnées depuis les années 1960 sont laides, les pauvres. Mais nous entrons dans le centre et de vieilles et imposantes bâtisses en pierre, restaurent mon sentiment intérieur. Un des messieurs se lève (celui qui contemplait le paysage) ; il va descendre à Angers. L'autre a remis le nez dans son portable. La respiration du jeune dormeur berce ma contemplation. Il ne s'éveille pas, mais sans doute sent-il dans son sommeil que nous arrivons quelque part, car ses bras bougent et sa tête dodeline un instant. Des murets de brique construits le long de la voie ferrée dissimulent l'éclatante dissolution du soleil.

20H35 : un homme au très gros ventre, jean et blouson de cuir, une soixantaine d'années, allume une cigarette sur le quai. Ses yeux parcourent la gare, les rails, la ville derrière alors que les premières volutes s'élèvent de sa bouche. Soulagement intense et visible de celui qui s'est retenu de fumer durant près de deux longues heures. Les sifflets des agents de la gare retentissent. Le train va repartir. Oui, les portes automatiques se ferment. Nous sommes repartis. Le rose est toujours là ! Et c'est encore plus incandescent que tout à l'heure ! Il vire au rouge ! Les lumières artificielles de la ville d'Angers offrent faiblement leurs lueurs pour soutenir la rougeur chamarré du ciel. De longs nuages gris se tordent au milieu de ces aplats mouvants de rouge, d'orange, et les toits de la ville disparaissent. Maintenant ce ne sont plus eux qui se détachent dans la rougeur, mais des arbres, dont les pieds sont dans l'eau (il a du beaucoup pleuvoir sur ces étangs) et la tête dans l'incendie du firmament. Le train prend de la vitesse. Des usines succèdent à la campagne, la campagne succède aux usines. Les formes des arbres s'élevant vers la toute-beauté des cieux donnent une atmosphère d'ailleurs, d'Afrique peut-être, ou du fin fond de l'Amérique du Sud. L'Ouest de la France m’apparaît soudain comme l'endroit de la magie suprême. Sur une route, qui suit le tracé de la voie, quelques voitures solitaires avancent à un rythme égal ; leurs phares leur confèrent une personnalité – presque un visage. Mais voilà que le rouge a entièrement disparu : le ciel est violent. Le ciel est violet. Il évoque un événement surnaturel menaçant.

Et puis (il est 20h47) la pénombre avale le violet qui devient sombre, sans couleur. Nous entrons dans la nuit. Le train file. Les ombres des maisons, des arbres, se stylisent et perdent de leur précision et de leur couleur pour se transformer en silhouettes informes. C'est la nuit qui tombe à pas de loups, qui s'abat sur des milliers et des milliers de vies fatiguées, invisibles depuis le train. Où sont les êtres humains ? Là-bas, sans doute, mais d'ici on n'imagine pas leur présence. Encore un peu de rose, par là ? Oui, mais il disparaît, comme un mirage, dans la vitesse du train et de la nuit. La nature quand elle se pare ou quand elle mue n'est pas réaliste. Elle est surréelle.

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vendredi, 04 avril 2014 | Lien permanent | Commentaires (2)

Florent Schmitt, l'éclat de votre musique nous fascine...

Florent Schmitt

Un hommage à Florent Schmitt,

par Hélène Lammermoor,

Hanno Buddenbrook et

Edith CL

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Chagrin de mélomane, par H.B

De Lorraine et de France, Florent Schmitt est aujourd'hui bien boudé. En quelques mois, grâce à un professeur de musique mélomane bien intentionné, le lycée de Saint-Cloud a perdu son nom de lycée Florent Schmitt pour s'appeler désormais lycée Alexandre Dumas. Presque rien n'a eu lieu pour le cinquantenaire de sa mort, et une bonne partie de ses oeuvres n'est pas enregistrée. Pourtant, n'est-ce pas un des plus grands musiciens du XX°siècle ? Si, bien sûr ! Et cela éclatera comme une évidence... Un jour, pour toujours.

Florent Schmitt, les amoureux de la musique ne t'oublient pas. Même ils t'aiment et te soutiennent dans cette traversée du désert post-mortem.

Et ils savent que ton oeuvre profonde, puissante, douce, qui touche au sublime, durera plus longtemps que les sentences qui t'ont condamné.

Tu vis dans nos coeurs, ta musique se joue dans nos maisons, et celle qui n'est pas enregistrée, se rêve, surtout dans les après-midi de juin, quand l'orage éclate et que le jaune-tonnerre envahit l'air du jour.

Hanno Buddenbrook

La sauvage et le musicien, par H.L

(Florent Schmitt, est-vous qui inspirâtes à Jean Anouilh son personnage de Florent, le beau, le lisse, l'élégant musicien de la Sauvage ? J'ai lu cette pièce bien jeune encore, et n'ai découvert votre œuvre que bien après. Eh bien, je vous ai reconnu !)

 

Comme vous êtes oublié aujourd'hui ! Moins que d'autres grands artistes, certes, mais plus que ce que vous méritez. Eh bien, vous reviendrez ! C'est certain : vous reviendrez sur le devant de la scène, et votre musique prendra la place qui lui revient, au soleil de notre culture.

Hélène Lammermoor, un jour du début de l'été...

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Grands artistes et pauvres pécheurs, par Edith de CL

Il y avait un lycée de Saint-Cloud qui portait votre nom. Le zèle d'un professeur de philosophie y remédia, et le lycée de Saint-Cloud est devenu le lycée Alexandre Dumas. Il est heureux que toutes les bien-pensances n'aboutissent pas avec autant de facilité : combien d'écoles, de rues, faudrait-il débaptiser !

Lorsqu'on lit certaines phrases de Jean Cocteau, d'André Gide, de Voltaire, sur les Juifs ; lorsqu'on découvre les idées de Victor Hugo, de Cuvier, et de tant d'autres, sur les Noirs, sans compter les myriades de jugements comminatoires sur les femmes, qui n'ont pas moins d'impact sur le bonheur de millions d'êtres, on se dit que les fourches caudines de l'épuration intellectuelle pourraient bien détruire le meilleur de la littérature, de la musique, de la science des deux derniers siècles.

Oui, les grands artistes ne sont que des êtres humains, et passée l'inspiration qui les élève au-dessus des foules, ils redeviennent des individus bien critiquables. Et l'on peut dire en retour que beaucoup de personnes qui n'inspirent pas l'admiration artistique ou intellectuelle, et ne se font remarquer en aucune sorte, ont l'âme plus élevée que bien des génies.

Un mathématicien invente un théorème essentiel ; il commet ensuite une série de meurtres, ou prône l'extermination des Irlandais. Son théorème en devient-il caduc pour autant ? Certes, non.

Il en va de même pour les arts : « Incorruptibilité de l'art », notait l'anarchiste Victor Serge en rencontrant Paul Claudel, dont il admirait l’œuvre et détestait la personnalité.

Alors pourquoi se priver de l’œuvre de Florent Schmitt, qui n'est ni un assassin, ni un dénonciateur, et dont la musique, comme celle de César Franck, d'Alexis de Castillon ou de Maurice Duruflé, restera certainement comme une flamme de beauté illuminant les amoureux de l'art ?

 

 Edith CL

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Sur AlmaSoror, on peut lire et entendre d'autres notes musicales.

Ainsi, l'auteur de Musiques de notre monde propose une balade à travers les musiciens préférés de notre temps.

Hanno Buddenbrook a consacré un billet au musicien anglais Herbert Howells et au requiem qu'il écrivit dans la douleur à la mort de son enfant.

Edith CL s'est extasiée sur le Miserere d'Allegri et quelques interprétations dans une note de juin 2012.
Arvo Pärt a eu sa part sur notre plateforme.

Elle a aussi payé son tribut à la sonate 959.

Par ici, allez voir Alfred Cortot et Debussy. Par là, Louis Vierne le désespéré.

Paul Rougnon, grand pédagogue, a eu son billet en fanfare.

Miles Davis et Franz Schubert se sont rencontrés, le temps d'une note, le temps d'un bout de film, le temps d'une sonate.

La mémoire de l'opéra de chasse Actéon !

Et nous avons plongé dans les les mots sublimes que Romain Rolland a dédiés à la musique : tu es la mer intérieure, tu es l'âme profonde...

 

Dans le domaine de la chanson, on trouve sur notre blog divers billets doux, dont celui d'Esther Mar, Nostalgie des chansons de la comtesse au coeur brûlé.

AlmaSoror a rendu un hommage à John Littleton, l'homme de Louisiane et de Reims.

Chanson d'antan et de révolte, voici Filles d'ouvriers.

 

Atmosphère, atmosphère ! Edith et Axel ont joué à Mood Organ Playlist.

 

Quant aux pochettes des vieux vinyles, elles n'ont pas été oubliées !

Pochette d'un Concerto de Aranjuez

Pochettes des concertos pour mandoline

Pochette d'un disque schubertien

Une pochette Deutsche Grammophon

Une pochette Prestige DG

Et encore une, sur Brahms

Pochette du Rorate Caeli

Et la pochette d'un CD, qui vaut son pesant de cacahuètes, certes

 

En vrac, il y eut aussi...

Lle film A quai (de Sara) et sa musique de Radikal Satan.

Un petit extrait (sur Verdi) de l'Histoire musicale de Rebatet ; Un extrait du même, sur le club des cinq Russes

La mémoire de l'origine grégorienne de la gamme

Quelques mots de Siobhan Hollow sur la musique qu'elle écoute au ciel

La chanson de Valentine Morning (nièce d'Edith) Lubitel Tszalaï

Luke Ghost interprète le Songe solitaire de l'oiseau en cage (c'est particulièrement mal enregistré, très cher Luke)

 

Du côté de la politique : un article sur le rock antispéciste

 

La Bretagne (oui, elle) a eu des miettes, dont celle-ci.

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Ce n'était rien.

Ce n'était rien, tout ces liens.
Ce n'était qu'un peu de ce que nous fîmes. En voyageant à travers AlmaSoror vous découvrirez encore beaucoup d'autres chansons, références, mélodies...

Ce n'était rien qu'un peu de pluie musicale dans votre mois d'août. Ne vous inquiétez pas. Partez. C'est fini.

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mercredi, 22 août 2012 | Lien permanent | Commentaires (1)

Celle que j'ai revue hier

 8 août 2012, Edith de Cornulier Lucinière

Un texte d'E CL, écrit le 8 août 2012

Tu vois ? Elle écoute son cœur.

Son corps respire la force et propage la confiance.

Calme, rieuse, souriante, aimante, malicieuse, sororale, généreuse, forte et douce, elle soulève des montagnes par le pouvoir de sa foi.

Elle accueille la vie avec joie, elle fait face aux défis avec calme. Son initiative, son intelligence, sa grandeur éclatent. Sa pensée sonne juste, ses propos sont précis. Pourvue du don de discernement, elle parle toujours avec sagesse.

 

Regarde : elle aime vivre. Elle éprouve de la gratitude.

Sa concentration ne se dépare jamais de la décontraction ; et dans la tension de l'instant, elle est toujours détendue. Poursuivant sa vision créatrice, elle concrétise ses projets dans la facilité

 

Tu sais ? Elle vit en harmonie avec la force cosmique du monde, en accord secret avec la Nature.

Elle habite un monde empreint de tendresse, de poésie et de beauté

Le bien-être et la santé baignent son corps, son corps donne et reçoit de la tendresse. L'amour anime sa vie.

 

Tout est simple.

Elle trouve de l'aide quand elle en a besoin, sans chercher. Pour elle, l'amour inconditionnel est immense, et disponible.

Au fur et à mesure que sa connaissance et sa sagesse s’approfondissent, son univers se déploie dans l'infini de l'existence.

Dans la joie, elle créée ses œuvre, elle les offre au monde et le monde les reçoit volontiers.

Car elle guérit tous ceux qu'elle touche.

 

Écoute.

Elle dit que la manière dont nous voyons le monde extérieur reflète ce qu'il y a en nous

Elle attire à elle l’argent, la richesse et l’art de vivre. Elle pense que nous méritons tous une très bonne paye. Quant à elle, l’argent vient facilement dans ma vie. Elle riant en payant ses factures.

Elle apprécie les expériences qu'elle traverse.

Ses croyances sont vivifiantes. La vie lui apparaît chargée d'amour et de fraîcheur. Sa vie nous apparaît chargée d'amour et de fraîcheur.

Ses émotions sont actives dans son corps et sa joie efface toute indisposition. Son amour efface la douleur, désamorce la violence. Surtout, elle est en paix avec le départ de ceux qu'elle aime.

 

C'est clair.

Son corps est certes en bonne santé ; quant à son esprit, il est baigné de calme, paisible, harmonieux. Les flux vitaux circulent aisément en elle, ainsi elle exhale le calme, la plénitude, la paix.

Sa maison à l'image de son cœur semble un lieu de paix et de bonté

Elle embellit la vie des autres, des enfants et des animaux, et elle laisse les autres embellir sa vie

Elle multiplie la joie et la santé comme le Christ multipliait le pain et les poissons.

 

Et puis...

La sagesse, l'amour et la gloire que nous cherchons se trouvent en elle. Comment les cueillir ? Comme ça : elle en est dispendieuse.

Elle dit que chaque instant est un nouveau départ, que l'on construit sa vie seconde après seconde, que la mort est une porte qui s'ouvre sur un paradis.

Elle fait bien la cuisine et sait déguster de bons plats. C'est elle qui fait circuler les bonnes nouvelles. Conviviale, vivifiante, elle rit. Sa vie s'écoule, paisible, agréable, poétique... « Je pardonne, donc je suis guérie », dit-elle. Ses proches et ses amis sont lumineux

 

Et puis encore ?

Elle se sent responsable de sa vie.

Elle ouvre les mains, tend les doigts, elle capte les ondes agréables, lumineuses, régénératrices, poétiques, miraculeuses.

Elle parait en paix avec sa vie amoureuse, sa vie sociale, sa vie matérielle. Elle est même en paix avec le monde et ses événements !

Détendue et confiante, elle dit que si elle tombe dans une situation, c'est parce qu'elle y a quelque sagesse à apprendre, quelque beauté à prendre.

Chaque ride la réconcilie avec l'idée de vieillir.

 

Comment fait-elle ?

Elle parle et agit avec clarté. Elle ose être elle-même.

La chance lui sourit souvent et toujours elle la prend dans mes bras.

Artiste, chamane, elle est charismatique, élégante et chaleureuse : ses étoiles brillent dans la civilisation.

Elle sait parler plusieurs langues, de sa voix belle, chaleureuse, profonde ; elle chante comme un rossignol. Ses gestes, sa démarche, sa posture, ses cheveux resplendissent

Riche, généreuse, belle, son cœur est pur. Aussi inspire-t-elle aux autres le respect, l’estime et la confiance.

 

Alors ?

Alors elle se sent libre de changer de vie dès qu'elle le désire, libre de se choisir un passé, un présent, un futur différents de ce qu'elle croyait réel l'instant d'avant.

A chaque être, elle donne ce dont il a besoin pour vivre ; elle offre à elle-même et aux autres la liberté d’être vrai.

Source de vie pour les animaux et les êtres humains, elle est à sa place dans le monde, en échange avec ceux qui l’entourent.

Son être intérieur reçoit toutes les vibrations de la vie ; or sa vie est chargée de grâce, de miracles, de beauté, de merveilleux

 

E CL 8 août 2012

 

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dimanche, 24 février 2013 | Lien permanent

De l'humiliation

 

Green Hill, Beagles
Photo de la libération de Green Hill

Nous vivons sous le signe de l'humiliation.

La voiture de police qui passe pour écarter le peuple et laisser passer la personne « importante ».

L'humiliation que l'on éprouve vis à vis de tous ceux qui possèdent un peu plus (en aura, en argent...) que nous.

L'humiliation quotidienne au travail : celle de la posture de subordonné ; celle de la posture de patron aussi, quelquefois (le patron solitaire subit l'exclusion par les autres).

L'humiliation de ce que nous devenons par rapport à ce que nous désirions.

L'humiliation dans nos amitiés, où la compétition se dissimule derrière les apparences.

L'humiliation dans notre famille, dès notre naissance et malgré les stratégies d'entente et l'amour qui circule.

L'humiliation au cœur même de notre couple, dans notre lit, au milieu de la nuit.

Pire que tout cela... Les images visibles de l'humiliation ne doivent pas nous faire oublier que les pires humiliations sont insaisissables pour qui n'est pas dans le cœur de celui qui la subit.

Dans les professions subordonnées et domestiques (= de maison), on raconte de nombreuses histoires de méchantes bourgeoises méprisantes avec leurs femmes de ménage, de cruels patrons méprisants avec les subalternes. Ces histoires sont vraies, bien réelles.

Or, ce n'est pas l'arrogance de ces bourgeoises ni la méchanceté de ces patrons qui est critiquée par leurs victimes : car l'arrogance et la méchanceté sont également répandues dans toute la société. Qui se plaint de l'arrogance et de la méchanceté d'un clochard assis à côté de sa pisse, d'une pute harassée par l'abattage du jour ? On se laisse insulter par eux en passant tranquillement, sans se sentir humilié... On peut même recevoir les tombereaux de mépris qu'ils nous versent et soupirer : "pauvre bougre !" Parce qu'on méprise leur position.

Ce qui fait mal dans la méchanceté de la bourgeoise, du patron, ce n'est donc pas la mesure de cette méchanceté, qui ne nous dérange plus ou plus beaucoup dès lors que l'arrogance qui nous vise vient d'en bas. C'est le degré d'envie et d'admiration que nous éprouvons envers cette bourgeoise et ce patron.

On pourrait croire que c'est leur pouvoir, qui leur donne la capacité de nous humilier, un pouvoir arbitraire, un pouvoir inégal, un pouvoir illégitime. Mais qu'est-ce qu'un pouvoir dont personne d'autre ne voudrait ?

Il suffirait en ce monde que dix pour cent des gens cessent d'obéir aux puissants et cessent de désirer un plus haut statut social, pour que le pouvoir lié à la puissance extérieure et au statut social s'effondre comme un château de sable.

Mais ce pouvoir ne s'effondrera jamais parce qu'il n'est pas seulement ancré dans le cœur des méchantes bourgeoises et des méchants patrons. Il est ancré dans le cœur de tout homme.

Ce n'est donc pas le pouvoir des personnes haut-situées qui nous écrase. C'est notre désir d'être à leur place qui nous lacère.

Qui plus que l'ouvrier ou le paysan se réjouit de voir un fils de riche échouer dans son intégration sociale et prendre le même métier qu'eux ? Quelle jubilation étrange ! Preuve qu'il n'ont aucun respect pour leur métier, aucun respect pour leur statut, pour leur être même, ils n'ont que respect pour ce qui les méprise. Preuve, surtout, qu'ils jouissent de l'humiliation d'autrui avec délectation. Le seule et unique élément qui les rend conscient de l'horreur du mépris, c'est d’être dans la situation de le subir. Cela reflète ce triste fait que ce n'est pas leur conscience qui les fait haïr le mépris et l'humiliation, c'est leur ego.

La conscience ne demande que la liberté ; l'ego exige la flatterie. La conscience n'a besoin que de parité ; l'ego cherche la supériorité, et c'est seulement s'il ne parvient pas l'obtenir, qu'il se refuge dans un égalitarisme de revanche.

C'est l'incapacité de choisir la parité, dans les domaines de notre vie sociale comme dans ses recoins les plus intimes, qui nous détruit.

Le mépris de celui qui nous paraît plus bas se confond avec l'admiration de celui qui nous paraît plus haut : ces deux sentiments viennent de la même source. Il peut nous arriver de transformer notre mépris en condescendance, de transformer notre admiration en haine ; nous croyons ainsi échapper à l'humiliation qui nous crucifie. Mais ni la haine, ni la condescendance ne peuvent nous sauver. 

Pour vaincre l'humiliation, il faut dissoudre notre ego dans la conscience.

C'est cette humiliation que Bouddha voulut découvrir, qui le fascina, qu'il voulut expérimenter en sortant de son palais où il était le beau petit prince.

C'est cette humiliation que le Christ prit sur lui entièrement pour en décharger ses frères.

C'est cette humiliation qui nous blesse au quotidien : la vie amoureuse - ou l'absence de vie amoureuse -, sans l'humiliation qu'elle charrie, intrinsèque au couple ou issue du regard des autres, ferait beaucoup moins souffrir et ne nous inspirerait pas tant de chansons et de films languissants et répétitifs.

La dureté matérielle et financière serait allégée de la plus grande partie de son poids si elle n'était pas accompagnée de l'humiliation.

Les relations familiales, amicales perderaient beaucoup de leurs capacités de nous blesser sans le poids de l'humiliation qui les accompagne.

Le fait d'avoir ou non des enfants, et, lorsqu'ils sont nés, nos relations avec eux, leur parcours de vie, seraient cause de beaucoup moins de douleur si ces éléments n'avaient rien à voir avec l'humiliation.

Il n'y aurait pas de problème de statut social.

Si chacun de nous pouvait voir son prochain comme une étoile scintillante dans un ciel étoilé (hiérarchise-ton les étoiles ?) et se voir soi-même comme tel, le monde serait déchargé de la plus grande part de son malheur.

Nous souffririons simplement des vraies souffrances, et la principale souffrance du monde, qui se greffe à toutes les autres, l'humiliation, serait abolie.

Peut être alors que par un mouvement naturel, nos cœurs guéris n'éprouveraient plus le besoin de laver leurs douleurs dans la douleur d'autres corps. Nous deviendrions fraternels et libéraux envers les animaux, leur laissant leur place dans ce vaste monde.

 

Green Hill, air souffrance

Les héros en route vers la libération des chiens de labos.

 

 

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vendredi, 24 août 2012 | Lien permanent | Commentaires (2)

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